« Stress positif »

Régulièrement des managers me demandent pourquoi ne pas considérer une version positive du stress, qu’ils baptisent parfois « eustress ». Le stress négatif serait un frein au bien-être et à la performance, et le positif serait une énergie qui nous stimulerait, nous aiderait à avancer.

Bien sûr, comme disait ma grand-mère, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Parler de stress positif, ça permet d’alimenter des débats sur le sujet de la motivation, ça intrigue, et puis c’est élégant, presque poétique ! Ici, l’oxymore (« cette obscure clarté » dans la tirade de Rodrigue) sert uniquement à compliquer les choses. L’expression fait chic, mais elle est souvent contreproductive.

D’abord, notre cerveau a du mal à gérer ce genre de contradictions. Dans stress positif, il « entend » d’abord stress, qui est chargé négativement dans le langage courant. Vous aurez beau dire eu-stress, et mettre des sous-titres, son job c’est d’identifier les risques potentiels. Si le mot de stress est prononcé, quel que soit le contexte, des alarmes vont s’allumer.

Ensuite, certaines personnes sous stress sévère ne vont pas / plus faire la différence. En entendant dire qu’il existe un stress positif, elles vont en déduire que c’est « normal », et même une « bonne chose » d’être dans leur état de fatigue et de tension avancées. Le burn-out est au coin de la rue. Ce serait aussi dangereux que de dire à un alcoolique que l’alcool « peut » être festif.

Inversement, certains managers vont utiliser ce genre d’arguments pour justifier des comportements toxiques dans leurs équipes ou avec leurs collègues. « Moi je pense qu’un peu de tension, ça fait du bien, d’ailleurs on parle de stress positif ! »

Enfin, pour parler d’une tension positive, il y a des mots simples, directs, et sans jargon ! Par exemple : motivation, excitation, trac, envie, désir… Comme le bourgeois gentilhomme, restons sur les choses évidentes et naturelles, contre tous les maîtres de philosophie.