Morts inutiles

Apr 22, 2025

Je prenais un café il y a quelques jours avec un groupe de managers, et l’un d’entre eux parle d’un « post mortem », dont il faut fixer la date. Je leur dis, l’air faussement inquiet : « quelqu’un est mort ? » Ils rient et l’un d’entre eux me dit : « c’est comme ça qu’on appelle chez nous les réunions de retours d’expérience. »

Étrange idée que d’évoquer la mort à tout bout-de-champ… Même les militaires parlent de debriefing (à chaud et de retex à froid) ! Depuis près de 25 ans, je suis passé dans des dizaines d’entreprises, dans des secteurs économiques très différents. Et j’ai toujours été frappé par la quantité d’expressions issues du registre de la guerre… sans que je n’en voie jamais l’utilité. 

Pourquoi dire d’un produit qu’il va « tuer » la concurrence, alors que c’est la clé d’un marché en développement ? Pourquoi parler de « deadlines », alors qu’elles sont allègrement franchies sans que personne ne meure ? Est-ce vraiment plus motivant de baptiser « war room » une salle où l’on prépare des appels d’offre ? Pourquoi évoquer une « mission commando » à propos d’un projet qui demande des actions rapides ? Et est-ce que les personnes impliquées auront plus d’énergie si on leur parle de « parcours du combattant », ou de « passer à l’attaque » ?

Parler de la mort donne de la gravité au propos, mais à force, cela devient banal. Reste uniquement une sorte d’angoisse sourde, un fond inquiétant, qui incitent plus à se protéger qu’à passer à l’action.

 

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